Et si l'industrie pouvait sauver nos retraites ?
Pour toutes celles et ceux qui utilisent aussi les fameux « faux guillemets avec les doigts » quand ils utilisent le terme « retraites ».
Allez, en ces temps médiatiques apaisés, on s’est dit qu’on allait sagement s’attaquer à un sujet bien délicat, bien clivant, bien glissant sur le fond comme sur la forme : celui des retraites.
Je suis parti des 18 milliards que la réforme est censée rapporter en 2023. Alors plutôt que de vous expliquer que je trouve cette réforme anachronique et déséquilibrée, je me suis dit que j’allais tenter d’arriver avec une forme de « solution » (on garde bien les guillemets avec les doigts, même si ce serait « apparemment » une « manie agaçante »). Une solution autre que taxer les super riches parce que mon petit doigt me dit que ça n’est pas pour tout de suite.
Je me suis concentré sur le déficit commercial de la France, qui aura été en 2022 de 164 milliards d’euros. 74 milliards hors énergie et hors matériel militaire. Certain.e.s parlent de 200 milliards de déficit si on prend en compte les lignes cachées. Bref.
La balance commerciale, c’est (en gros) la différence entre ce que l’on importe et ce qu’on exporte. Donc, la France a importé 164 milliards de plus qu’elle n’a exporté en 2022. Quand j’ai vu ce gros chiffre, je me suis dit qu’on pouvait peut-être aller gratter de ce côté-là. Et de toute façon, Bernard Arnault ne me répondait pas au téléphone donc il fallait bien que j’avance.
Et c’est là que le sujet de l’industrie arrive dans la danse. La balance commerciale, c’est un peu une boucle infernale. Si tu veux exporter plus, il te faut une industrie très forte, et un outil productif à la pointe, ce qui n’est plus du tout le cas en France. Et si tu veux importer moins, il faut être en mesure de produire une proportion supérieure des produits dont les Français ont besoin.
Par exemple, la France exporte pour 44 milliards d’automobiles par an, et en importe pour 62 milliards. La question c’est : pourquoi ce chassé-croisé finalement ? Si on achète les voitures qu’on fabrique chez nous, et qu’on diminue de 40 ou 50 % les imports de véhicules étrangers (fini les grosses berlines allemandes pour vos go fast), est-ce qu’on peut dire qu’on les a nos 18 milliards pour les retraites ? Et bien en quelque sorte oui, même si je ne serais pas plus offusqué que ça si vous m’accusiez d’être simpliste. Le fonctionnement des finances d’un état et le commerce mondial, c’est complexe, mais passons.
Ça nous amène finalement sur le sujet du made in France. Acheter made in France ça peut régler beaucoup de choses. Le made in France est souvent dépeint comme une offre réservée aux bobos parisiens qui gagnent 4 000 euros par mois, et qui peuvent acheter sans sourciller trois boxers à 110 euros.
Mais pour grossir le trait, si on parvient à initier un mouvement généralisé où les Français arrêtent d’acheter autant de voitures étrangères, qu’on achète moins et qu’on achète davantage français, est-ce que ça veut dire qu'on peut régler le souci des retraites quelque part ?
Alors je vous vois venir : « Oui mais Aurélien, on demande encore au consommateur de prendre sur lui, encore des contraintes. Et puis la qualité de la voiture que j’ai en achetant au Japon est deux fois supérieure à celle d’une voiture française, pour le même prix. Et pendant que tu nous joues de la flûte le maire écolo de Lyon équipe ses collaborateurs.rices de doudounes sans manches issues du Bangladesh alors qu’on a des boîtes lyonnaises incroyables dans le textile. Merci bien l’élan made in France à deux vitesses... »
Et je serais d’accord.
« Oui mais Aurélien, c’est du protectionnisme, si on achète moins à l’étranger, on va fâcher tout le monde et après plus personne n’achètera chez nous. » Ça, c’est l’argument qu’on nous sort à toutes les sauces depuis 30 ans pour ne pas traiter les vrais problèmes de fond (sobriété, souveraineté, responsabilité), et il n’y a qu’à voir où ça nous a mené.
Formulons-le autrement. Un des actes les plus militants que vous pouvez perpétuer les années à venir, c’est d’acheter français dès que vous en avez la possibilité. En particulier si vous faites partie des 4,5 millions de français considérés comme « riches » par l'Observatoire des inégalités.
Si l’on parvenait à augmenter la consommation de produits manufacturés made in France ne serait-ce que de 25 %, les effets d’entraînement sur notre économie seraient substantiels et paveraient la voie d’une réindustrialisation utile de notre territoire, mais aussi à la modernisation de notre outil productif et à une consommation plus responsable. Un produit français est 12 fois moins carboné qu’un produit chinois, et 8 fois moins carboné qu’un produit allemand, rien que ça.
Pour vous donner un ordre d’idées, si tous les produits manufacturés importés aujourd’hui étaient produits localement, alors notre empreinte carbone serait plus faible d’environ 75 MtCO2eq. Ce qui reviendrait à supprimer la pollution des voitures de tous les particuliers de France. Alors c’est certes infaisable, et quelque part ça n’est pas le but, mais ça donne tout de même un indicateur intéressant du niveau d’aberration des modèles productifs en place et de la globalisation.
Je vous laisse là-dessus, « à bientôt ».
Nous espérons que cette édition vous a plu, et vous invitons à aller écouter le podcast #Industry4Good disponible sur les plateformes audio. 🎧⬇️
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Merci pour cette réflexion, je ne peux être que d’accord avec le « acheter français ». Aurais tu une source sur le 12 fois moins carboné que la Chine et 8 fois moins que l’Allemagne ?